Le 25.04.2024 Lettre à Marie Josée
Chère Josée,
Une maladie neuro-dégénérative orpheline t’a emportée au matin du 29 mars, dans ta 72ième année.
Ce fut un long calvaire pour toi. Tu as vu ta condition physique baissée régulièrement depuis des mois, tu fatiguais vite ces dernières semaines...
Tu as longtemps été dans le déni, le diagnostique ayant eu du mal à se mettre en place : les neurologues ont finalement parlé de syndrome corticobasal d’origine dégénérative très circonscrite et d’évolution progressive, forme localisée de dégénérescence car sans impact sur ta cognition. Maladie très rare appartenant aux syndromes parkinsoniens atypiques.
La médecine est loin d’être une science exacte.
Les spécialistes sont souvent des techniciens, le diagnostique une fois donné, peu d’empathie et aucun conseil au patient pour améliorer au mieux le quotidien, quel qu’il soit..
Tu es devenue petit à petit dépendante à 100%, je me suis occupé de toi comme j’ai pu …
Fin janvier tu refusais l’aide proposée par l’infirmière coordinatrice : pour toi je pense que c’était avouer une forme de déchéance et le chemin tout tracé vers l’EHPAD. Début mars, je disais qu’il fallait trouver une solution mais tu pensais tout de suite que j’allais te mettre en EHPAD…
Marie Josée tu es restée à la maison comme tu le souhaitais.
Je me rends compte que j’ai du être dur avec toi les toutes dernières semaines dans nos allers et venues. Peut être t’ai-je fait mal. Pardonne-moi cela, toutes ces semaines ont été difficiles. Je n’ai pas réalisé ce qui arrivait, j’ai manqué de discernement, jamais je n'aurais imaginé la suite : les infections te minaient déjà. Noyé dans ce quotidien j’ai dû aussi manquer de tendresse. Pardonne-moi aussi cela.
Tu es descendu pour la dernière fois le 13 mars, ce fut difficile de remonter à l’étage. Mi mars tu avais de plus en plus de mal à te lever, pliée en deux, et de grandes difficultés à marcher, tu gardais souvent les yeux fermés.
J’ai une sensation d’inachevé tellement la fin fut rapide.
En quelques jours tout a basculé : le 19 mars ergothérapeute et Kiné te descendent dans un drap au rdc car tu ne tenais plus debout, un lit médicalisé est commandé par l’infirmière pour l’après midi.
Le 21 l’auxiliaire de vie mesure une saturation à 72%. Appel infirmière puis les pompiers. Transfert aux urgences de la clinique mutualiste de Pessac.
Tu es en détresse respiratoire, désaturation et hyperthermie. Tu es mise sous oxygène.
Aux urgences j’ai vu tes yeux suppliants et tes lèvres essayant de dire dans un souffle imperceptible quelques mots à travers le masque à oxygène. Je ne saurai jamais ce que tu as voulu dire…
Mais je sais que tu nous as reconnus Damien Gwenaëlle et moi. Traitement aux antibiotiques pour traiter pneumonie et infection intestinale.
Les urgences où je m’aperçois au bout de trois jours que tu ne reçois comme antidouleur que du paracétamol, toi qui prenais depuis des mois dafalgan codéiné, tramadol, diazepam,…
Une médecin décide d’y remédier : comme je m’étonne de ne rien voir venir, une infirmière me répond nonchalamment qu’elle traite … les urgences vitales. Au crépuscule de ta vie tu n’en étais pas une …. !
Depuis bien des jours tu as cette respiration accélérée que tu garderas jusqu'à la fin.
Le 25 tu es dirigée vers le service de gériatrie, beaucoup plus bienveillant. Comme tu avais clairement exprimé ne pas vouloir poursuivre une vie de grabataire, le corps médical décide l’arrêt des antibiotiques qui sont sans effet et la mise en place d’un traitement par morphine et autre relaxant. Le médecin nous assure que tu es confortable et que tu ne souffres pas. Je voudrais en être sur. Je te parle mais tu ne réponds plus. Nous venons te voir tous les après midi, le jeudi 28 nous voyons tes yeux, le regard figé, tu es en vie mais tu ne l’es plus tout à fait… toujours cette respiration rapide qui te maintient en vie…
A l’aube du 29 mars tu as quitté ce monde. Nous te voyons à la clinique : tes souffrances sont terminées.
Tu as ‘agonisé’ pendant quatre jours. Le médecin a appliqué la loi Claeys-Léonetti à la lettre, la morphine parvenant à t’apaiser, du moins je l’espère. Comment les médecins peuvent-ils en être sur ? … en plein débat sur la fin de vie une évolution de cette loi aurait permis d’abréger ton calvaire et te voir partir plus sereine.
Je n’étais pas prêt, j’ai du mal à l’accepter.
Je ne te reverrai jamais …
Tu es partie pour l’éternité. C’est difficile à vivre. Rien ne sera comme avant.
Tu n’es plus là pourtant tu es là où je suis.
Josée nous avons vécu des temps heureux ensemble.
En mai j’irai à Plouguerneau crier ma peine au vent du large et disperser tes cendres.
Repose en paix Josée.
La dernière photo de toi : le 18 février 2024, tu as ta liseuse sur les genoux...